Isotrétinoine, dépression, suicide et autres effets secondaires
L’isotrétinoïne anciennement commercialisé sous le nom de roaccutane par les laboratoires Roche est sous les feux de la rampe – cette molécule est particulièrement accusée d’entraîner des suicides chez des adolescents traités pour leur acné. Qu’en est il exactement*?
Le dernier rapport de l'[URL="http://www.aad.org/media/background/news/Releases/American_Academy_of_Dermatology_Association_Issues 1/"]Académie Américaine de Dermatologie[/URL] du 22 novembre 2010 ne retrouve pas de lien entre l'isotrétinoïne et la dépression ou les suicides. Cette analyse est en accord avec les [URL="http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Communiques-Points-presse/Isotretinoine-orale-renforcement-du-Programme-de-Prevention-des-Grossesses-et-rappel-sur-la-survenue-eventuelle-de-troubles-psychiatriques-Communique"]informations délivrées par l'AFSSAPS[/URL], ci joins le document . Des études complémentaires sont en cours.
Il faut savoir que le suicide est la seconde cause de décès chez l'adolescent et que l'acné qui induit une altération de la qualité de vie peut donc générer des dépressions. Il n'est donc pas surprenant de constater des décès chez des adolescents sous traitement par isotrétinoïne car l'acné touche surtout les adolescents. On a retrouvé un excès de risque de suicide chez les adolescents victimes de l’acné (multiplié par 2 chez les jeunes femmes, multiplié par 3 chez les jeunes hommes victimes d’acné sévère). Il est donc bien possible les complications psychiatriques reprochées aux médicaments de l’acné reflètent simplement les complications de l’acné elle même. Il n'est même pas exclu que l'isotrétinoïne soit un facteur susceptible de réduire les décès chez les adolescents confrontés à une acné sévère.
L’isotrétinoïne provoque cependant des troubles de l’humeur et il existe des cas de suicides qui soulèvent une émotion et des questions légitimes. Il est évident que ces éléments doivent être étudiés avec grands soins, mais il n'existe à ce jour aucun lien démontré entre isotrétinoïne et suicides au plan de la population.
«*La seule étude qui montre une augmentation significative des dépressions chez des patients traités par isotrétinoïne orale présente de nombreuses limites méthodologiques qui restreignent la portée des principaux résultats (Azoulay et coll). »
Les recommandations de l’Affssaps publiées en mai sont claires*:
«*Aussi, avant de débuter le traitement, tous les patients, hommes et femmes, doivent :
- être informés sur le risque éventuel de survenue de troubles psychiatriques. Une discussion sur les difficultés psychologiques possibles au cours de l’acné et/ou de son traitement doit avoir lieu avec les parents des patients mineurs,
- faire part de leurs antécédents personnels et familiaux de troubles psychiatriques.
Pendant et après l’arrêt du traitement, les patients doivent :
- informer leur médecin de tout changement d’humeur ou de comportement.
- Il est recommandé de porter une attention particulière aux patients présentant des antécédents de dépression et de surveiller des éventuels signes de dépression chez tous les patients avec recours à un traitement approprié si nécessaire. L'interruption de l'isotrétinoïne peut cependant être insuffisante pour maîtriser les symptômes et un bilan psychiatrique ou psychologique complémentaire peut alors être nécessaire.*»
Il faut souligner aussi que les patients et les médias découvrent les effets secondaires et les complications des médicaments et des vaccins. Il existe des complications graves qui sont la conséquence de la prise de pilules contraceptives, des vaccinations, de la prise d’aspirine ou de paracétamol qui peut provoquer des hépatites mortelles.
On constate aussi que les «*accidents*» survenus chez les adolescents qui prennent de l’isotrétinoïne sont largement exploités par les médias en quête d’audience ou par des personnalités politiques. Après le scandale du médiator, la mise en cause des firmes pharmaceutiques et de nos institutions - dont l’impartialité a été entaché par ses conflits d’intérêt – il est licite que nous soyons tous méfiants. Le discours de la sénatrice UMP des Français de l'étranger Joëlle Garriaud-Maylam, qui se bat pour obtenir “des mesures” est lui même sujet à caution puisqu’elle a été victime d’un drame familial ou la responsabilité de la molécule aurait été questionné.
Pour résumer, l’isotrétinoïne est une molécule extrêmement efficace et souvent irremplaçable dans le traitement des acnés sévères qui altèrent gravement la qualité de jeunes patients et provoquent des cicatrices irréparables. Ce médicament, comme d’autres, est susceptible de provoquer des complications graves - la liste des effets secondaires, des complications et des précautions d’emploi sont indiqué ci dessous selon le dictionnaire Vidal®. A chaque fois que des effets secondaires sont suspectés, une enquête sérieuse et des preuves doivent être recherchées afin de savoir si les accusations reposent des évidences. En fonction des résultats, les mesures qui s’imposent doivent être prises. Il ne faut cependant pas perdre de vue que la prise d’un médicament doit s’évaluer en terme de rapport bénéfice risque. Les dermatologues doivent être vigilants et respecter les règles précises de prescription de cette molécule.
Dr Abimelec, dermatologue
Références
Advice on the safe introduction and continued use of isotretinoin in acne in the U.K. 2010. M.J.D. Goodfield, N.H. Cox,* A. Bowser,_ J.C. McMillan,_ L.G. Millard,§ N.B. Simpson– and A.D. Ormerod** British Association of Dermatologists • British Journal of Dermatology 2010 162, pp1172–1179.
Suicidal Ideation, Mental Health Problems, and Social Impairment Are Increased in Adolescents with Acne: A Population-Based Study Jon A. Halvorsen1,2, Robert S. Stern3, Florence Dalgard2, Magne Thoresen4, Espen Bjertness2,5 and Lars Lien6 Journal of Investigative Dermatology (2011) 131, 363–370; doi:10.1038/jid.2010.264; published online 16 September 2010.
Pharmacovigilance Isotrétinoïne orale Renforcement du Programme de Prévention des Grossesses et rappel sur la survenue éventuelle de troubles psychiatriques Information destinée aux dermatologues et pharmaciens d’officine mai 2010
Dernière modification par dermatologue ; 30/01/2011 à 18h12.
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Dr Philippe Abimelec, Dermatologue